vendredi 7 juillet 2017

Lumières Nocturnes

Paris, virée nocturne.
Des jeunes enchaînent les lignes de métro, comme les traders les lignes de coke.
C’est beau une ville la nuit. Toutes illuminées, rues et ruelles ont été désertées. Quelques gyrophares bleutés tournoient dans les airs comme des hirondelles au printemps ou des pigeons au-dessus d’un reste de kebab.
La ville est devenue même silencieuse. Après l’explosion de quelques bombes aux cibles de choix. Paris brûle tandis qu’un grand magasin, temple de la consommation de luxe, garde ses lumières allumées. Jeunes allumés ou illuminés s’y réfugient, pour attendre le calme, et la fin de ce week-end de terreur. Des lumières nocturnes qui illuminent le déclin de notre société, sans repère, sans âme, sans vie.

La France a peur. Et ces jeunes qui posent des bombes, sans même savoir pourquoi. Génération désenchantée, une jeunesse totalement à la dérive, oubliée et laissée sans repère. Je ne saurai rien de leur motivation, ni de leurs rencontres. Juste les actes, et l’après, dans cette nuit où la clarté des gyrophares bleus illuminent les pavés abandonnés. Cette absence de motivation, de revendication, peut en troubler certains. Pas moi, je me laisse juste guider par les gyrophares, par la musique sortie de la dernière gamme des enceintes Bose, par ces néons flashant dans un centre commercial, par ces chaînes d’information qui bouclent et rebouclent continuellement les mêmes images, l’heure du matraquage médiatique à toute heure. En clair, j’ai adoré, j’ai été passionné, je le reverrai. Encore et encore. Le genre de film que j’aime voir et revoir. Bombes & Bass.


Du terrorisme, je ne vois que les esthétisants plans baignés de lumières clignotantes et d’une musique à outrance. Cela en fait peu pour certains, moi j’adore cette vision. Je ne sais pas si Bertrand Bonello propose un cinéma innovant – n’ayant vu ses précédents « Saint Laurent » et « Apollonide », mais de ce film, j’en retiens surtout un cinéma envoûtant. Et si d’ailleurs l’innovation n’était pas dans le fait de trouver un Luis Rego que je n’avais pas vu depuis au moins « les bidasses en folie ». Ces petits jeunes crèvent l’écran, comme au temps de la folie des Charlots, mais Luis n’en est plus un, il erre dans la rue à contre-courant.

Deux parties : la première, quasiment muette et silencieuse, enchaîne à toute allure les plans de cette bande, dans le métro dans la rue dans l’hôtel. L’heure digitale s’affiche. Comme dans un film sur un braquage de banque ou une série qui durerait 24 H. Gadget pour donner un accent américain, mais m’en fous, je prends les lignes de métro avec eux, je me faufile dans un étage abandonné d’un hôtel de luxe, je pose des bombes dans le cimetière de pierres et de verres de La Défense. Seconde partie : nocturne, une pause dans le rythme ; ils se sont retrouvés dans ce grand magasin, sans but si ce n’est celui d’attendre et de laisser retomber la pression. Et que faire là-dedans… Rien.      

« Nocturama » ça siffle comme un album de Nick Cave (sorti en 2003) et ça cogne comme un roman de Bret Easton Ellis, « Glamorama » (en aparté, son meilleur roman), pendant littéraire de l’affichage de marques luxueuses à outrance. Mais la raison existentielle pour regarder ce film n'est-elle pas celle-ci : depuis combien de temps n'as-tu pas chanté "My Way" rouge à lèvres écarlate, bu un grand cru dans une baignoire dans un centre commercial ou écouté le "Call me" de Blondie...  
 

« Nocturama » [2016], Bertrand Bonello.



15 commentaires:

  1. Je n'ai pas vu L'Apollonide, je n'ai pas du tout aimé son Saint Laurent et celui-ci ne me tente pas du tout...

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    1. Saint Laurent ne m'attire pas vraiment, malgré les belles critiques.
      Apollonide, souvenirs d'une maison close, m'intéresse nettement plus ;-)

      Ce Nocturama, je l'ai adoré... C'est ce genre de film esthétique qui mélange autant l'ambiance sonore que visuel qui attire mon attention...

      Tiens, je t'aurais bien vu imiter le My Way de Shirley Bassey... Mais peut-être que mon imagination m'emporte un peu trop loin... A moins que tu ais un air de Tony Curtis façon amicalement vôtre, autre grand thème du film ;-)

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    2. J'ai largement préféré le Saint Laurent de Jalil Lespert qui beaucoup plus d'âme selon moi.
      Shirley Bassey, je la préfère avec Propellerheads, History Repeating...

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    3. tiens, un fan !!!

      https://www.youtube.com/watch?v=yzLT6_TQmq8

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  2. Ben je ne connais pas ce Bertrand Bonello ni les autres films que tu mentionnes et ce n'est pas le film qui attire mon attention au premier abord. Sans rancunes ? ^^

    Mais pour répondre à tes raisons existentielles pour regarder ce film :

    1/"My Way" avec mon rouge andalou tous les matins en me regardant dans la glace, en français, ça compte ?
    2/ J'ai bu un cru diaphane dernièrement mais je n'ai plus de baignoire ^^
    3/ Alors là je marque un point "Call me" je suis loin d'être blonde mais j'adore cette chanson, elle me donne la pêche ! On se fait un karaoké ?

    Alors verdict !
    Prête pour ce film ? ;-)

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    1. Je crois que je suis, de toute façon, le seul à aimer (à adorer même) ce film...

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    2. Meuuuuuuuuuuuuuuuuhhhhhhhhhhhhhhhhhhh

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  3. J'ai aussi préféré l'autre St-Laurent et surtout j'me souviens bien de son film Le pornographe, y'a longtemps déjà, qui me l'avait fait connaître.
    Oh, oh, oh, oh, oh, he speaks the languages of love Oh, oh, oh, oh, oh..... call me, call me....... ^^

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  4. Ah le cinéma de Bonnello souvent abscons et nombrilliste ; regardez les beaux plans que je fais avec ma grosse caméra !!!
    Mais c'est vrai c'est virtuose ( la première demi heure est un modèle) mais d'une prétention !!! Et ce final qui se veut réaliste. .. Au secours.
    Tu devrais donc adorer son De la guerre qui est une grosse bouse selon moi :-)
    avec un Amalruc deja tremblotant et anonant.
    J'ai aussi détesté Appollonide film sans autre histoire que déshabiller et défigurer des filles juste pour se faire plaisir derrière sa grosse caméra. .. non merci.
    Et son St Laurent n'était pas terrible non plus.

    Raison existentiel ?
    Oui je fais mon instit le mardi matin aussi :-)

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    1. Même le mardi, même pendant les vacances. Mais t'as raison la grammaire est aussi existentielle...

      Déshabiller des filles, moi, je trouve que c'est déjà un bon scénario...

      Je vois que Bonnello, c'est pas ta came. De la guerre, un sujet étonnant mais avec Matthieu, rien ne m'étonne et maintenant que tu me l'as dit, j'ai envie de le voir.

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  5. Oui c'est dingue j'ai une existence existentielle.

    Je préfère les scénarios qui déshabillent Michael Fassbender ou Charlie Hunnam voire Matthew McConaughey. Ça, ça a du sens !

    Ce film est FAIT pour toi. Je parie même que tu comprendrais pourquoi brusquement tout le monde se met à danser dans la forêt en prenant des mines inspirées !

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    1. L'inspiration même est existentielle, surtout pour danser en forêt. En tout cas ça m'inspire... même si je n'ai rien d'existentiel.

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  6. Les scenarii pour être parfaitement en règle avec moi-même.

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